petite enquête sur les écoles de Laprugne (1863-1880)

Les Archives Départementales de l'Allier conservent  2 douzaines de documents couvrant la période 1863-1880 concernant les écoles de Laprugne.

Avant d'examiner ces documents, il serait peut-être bon de les placer dans une perspective plus générale en précisant quel était à l'époque (2ème moitié du 19ème siècle) le système éducatif en France.

Le lecteur qui souhaiterait sauter ce passage plus général peut cliquer ici pour se retrouver directement à l'école de Laprugne

1833: la loi Guizot La maison d'école

Chaque commune de plus de 500 habitants doit se doter d'une maison d'école. (Soit 34 000 écoles pour toute la France)
Comme il n'y a alors en France que 10 300 écoles accueillant 1 400 000 élèves (sur 5 millions en âge d'être scolarisés), la réalisation de ces maisons d'école sera étalée jusqu'en 1850.


Le maître d'école devient instituteur, c'est-à-dire qu'il est, comme le maire et le curé, rattaché lui aussi à une grande institution ( le ministère de l'instruction publique)
L'instituteur « public » est chargé de l'enseignement religieux. Il est, en effet d'abord « un marchand de principes (religieux ) avant d'être un marchand de participes ».

  Sa mission ne consiste pas à offrir à ses élèves les possibilités d'une vie différente de celle menée par son père ou son grand-père. Tout au plus doit-il essayer de leur faire comprendre le monde et l'accepter... tel qu'il est. Il faut, certes, enseigner les savoir-faire élémentaires (lire, écrire, compter) nécessaires au développement économique. Mais il faut plus encore s'assurer d'un efficace instrument de régulation sociale en inculquant aux élèves la résignation autant que le savoir.

Le programme de l'instruction primaire tient donc en peu de lignes:
. instruction morale et religieuse
. lecture - écriture
. éléments de langue française et calcul
. système des poids et mesures

On considère que, dans les années 1830, un français sur 2 n'a pas l'habitude de s'exprimer en français. L'instituteur de campagne devra donc d'abord s'efforcer de remplacer les nombreux patois locaux par une langue unique (que parfois il a du mal lui-même à maîtriser...)
Dans chaque département, une école normale formera les futurs instituteurs publics. Les institutrices des congrégations religieuses seront nommées par simple lettre de leur supérieure.

Le traitement de l'instituteur est fixé à 200 F par an, assuré par
. l'écolage (les parents aisés versent une somme, généralement 2 F par mois)
. le complément versé par la commune, pour atteindre un total de 200 F
En contrepartie, l'instituteur doit accueillir gratuitement les enfants indigents de la commune.
Ce faible traitement (inférieur à celui d'un ouvrier de l'époque) oblige l'instituteur de campagne à pratiquer d'autres métiers: greffier (secrétaire de mairie), écrivain public, arpenteur, chantre, sacristain, et parfois même fossoyeur.

Les élèves

 
Si chaque commune doit se doter d'une école, la fréquentation scolaire n'est pas obligatoire. Beaucoup de parents refusent, à la campagne, d'envoyer leurs enfants à l'école ou font passer au premier plan les travaux de la ferme.

  Ainsi, en 1840, les 1 900 000 élèves qui fréquentent l'école en hiver ne sont plus que 1 200 000 en été.

Les écoles religieuses
Les religieuses appartenant à une congrégation peuvent ouvrir une école. Les institutrices seront nommées par leur supérieure.

1850: la loi Falloux: Le gouvernement impérial de Napoléon III s'installe et réprime les opposants. L'instituteur, suspecté de sympathie pour les révolutionnaires de 1848, peut être révoqué sur simple notification du préfet:  4 000 instituteurs seront d'ailleurs révoqués et 260 déportés.
La loi Falloux accorde aux départements le droit de supprimer leur école normale. Les instituteurs sont alors formés sur le tas (3 ans de stage dans des classes). De plus, tout candidat instituteur doit être muni d'un certificat de moralité signé par son curé. Celui-ci peut d'ailleurs inspecter la classe. 

Le programme est allégé, Napoléon III se souciant peu de développer l'instruction. L'enseignement des filles est encore plus limité: lecture, un peu d'écriture, travaux de couture et de broderie

Le préfet transforme les instituteurs (tout comme les maires d'ailleurs) en agents électoraux qui doivent soutenir les candidats du gouvernement.
Le traitement des instituteurs est sensiblement augmenté (bien qu'encore tout juste suffisant pour vivre), ne devant jamais être inférieur à 600 F par an, (rétribution scolaire + complément versé par la commune). Les institutrices publiques, elles, devront se contenter de 400 F.

 Les écoles congréganistes se renforcent: en 1865, la moitié des 4 400 000 écoliers fréquentent des écoles tenues par les congrégations.

A cette époque, un bourbonnais sur 3 ne sait pas lire à son arrivée au service militaire. 

En 1867, la loi Duruy impose aux communes de plus de 500 habitants de se doter d'une école de filles.

1881-1882 : Les lois Jules Ferry :   En 1881, l'enseignement devient gratuit: le traitement des instituteurs est versé par l'état, les communes prennent en charge les bâtiments et les fournitures scolaires.
La lettre d'obédience (qui permettait à la mère supérieure de nommer enseignante une sœur de sa congrégation) est supprimée, ce qui revient à dire que tout enseignant doit obtenir un brevet de capacité pour pouvoir exercer.

En 1882, l'enseignement devient neutre et obligatoire de 6 à 13 ans.
Les communes sont tenues de dresser la liste de tous les enfants scolarisables et d'en informer les parents.
L'école est fermée au curé. L'instruction civique et morale remplace l'instruction religieuse.

Ce qui unit dorénavant les Français, ce n'est plus la croyance en Dieu, c'est l'idée d'appartenir à une même patrie, d'avoir des intérêts communs et d'améliorer son sort dans une société où chacun doit avoir sa chance.
Le programme est étendu: en plus du français et du calcul, on étudiera les sciences physiques et naturelles, le dessin et le chant.

Grâce à un effort financier sans précédent, la France rurale de la 3ème République se couvre de milliers d'écoles conçues souvent pour abriter à la fois la ou les classes, le logement de l'instituteur et le local de la mairie.

Les institutrices congréganistes vont peu à peu disparaître, remplacées par des institutrices publiques formées dans les écoles normales de filles.
La loi de séparation de l'église et de l'état, en 1905, précipitera ce mouvement.

De 1880 à 1900, l'école élémentaire gagne 700 000 élèves, atteignant ainsi la quasi-totalité des 5,5 millions d'enfants en âge d'être scolarisés.

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