Article paru dans LA MONTAGNE, du 11 février 1955

Près de Laprugne (Allier)

Un avion à réaction* perdu dans le brouillard
s'écrase dans la montagne bourbonnaise

Le pilote est sauf

PERDU dans la crasse au-dessus de la Montagne Bourbonnaise, un « voyageur du ciel *» de la marine américaine s'est écrasé , hier, vers 10 h. 30, à 500 mètres, à val d'oiseau, près du bourg de Laprugne.
Le pilote du monoplace de l'avion à réaction, l'enseigne Joseph Shriner, de l'U.S. Navy, âgé de 25 ans, a réussi à s'éjecter de l'appareil et à sauter en  parachute.

Explosion
Dès la deuxième explosion, les habitants du bourg de Laprugne, rassemblés dans l'église pour assister à la cérémonie funéraire d'un de leurs compatriotes, ont donné l'alarme et se sont précipités dans la vallée.

Le pilote, sain et sauf, trinque avec M. Moussé, maire de Laprugne (à l'extrême droite) et les habitants du pays

Le lieu de l'accident, à Pommeray, fut aussitôt repéré et le maire, M. Robert Moussé, s'empressa de donner l'alerte. Vichy, Moulins furent prévenus aussitôt. Les sapeurs-pompiers du Mayet-de-Montagne, les gendarmes d'Arfeuilles, le service de sécurité départemental de l'Allier étaient alertés pour se rendre immédiatement à Laprugne, noyée dans le brouillard.

MM Henri Juillet, François Gué et Pierre Faivre, témoins oculaires de la chute de l'avion américain, donnent des explications au gendarme

Perdu dans le brouillard

Que s'était-il passé ?
L'aviateur américain, sain et sauf, que nous avons pu joindre au café Gonnard, à Laprugne, nous a raconté son aventure.

« Nous volions en formation de quatre appareils. Perdu dans le brouillard, entre les montagnes, je n'ai pu redresser. J'ai sauté. Ce fut la catastrophe !...»

L'accident
Tout près du lieu de l'accident, une dizaine d'ouvriers des Ponts et Chaussées travaillaient  près  du « Moulin Charrier ».

Ils ont été les témoins oculaires de la chute de l'avion américain.
Ils ont vu s'ouvrir le parachute au-dessus de la
montagne.

Laissons-leur la parole!... MM.Henri Juillet, François Gué, Pierre Faivre domiciliés tous les trois au Mayet-de-Montagne, nous expliquent comment ils ont vu exploser l'avion.
«II était environ 10 h. 30.. Nous étions abrités sous le hangar, en bordure de la route. Notre attention fut attirée par le bruit d'un avion. Une première explosion se fit entendre. Dans le ciel ouaté de brume, nous distinguions tout à coup un point blanc dans le ciel. Un parachute se balançait, au-dessus de la montagne.
Une deuxième explosion attira notre regard en direction des «Pommeray». A plus de cent mètres de haut, une flamme illumina le ciel noyé de brouillard.»

L'un des ouvriers des Ponts et Chaussées se rendit aussitôt sur les lieux de l'accident tandis, que les habitants du village, complètement  apeurés, se demandaient ce qui se passait.

Près des mines de cuivre de Charrier, le pilote atterrissait. A peine s'était-il débarrassé de son parachute et de son équipement que MM. Juillet et Gué arrivaient à son secours après avoir franchi les cinq ou six cents mètres à travers la vallée.

Sollicitude

L'aviateur, blessé au visage, saignait. Perdu au milieu de la montagne, égaré dans la solitude, tout tremblant, il retrouva son sourire à l'approche des ouvriers essoufflés.
Transporté au plus près, chez l'ancien notaire, M. Brissset,  domicilié au «Moulin Charrier», le pilote fut réconforté, soigné par Mlle Brisset.
Peu après, le maire de Laprugne arriva avec le docteur Frysmanne, lequel examina l'aviateur. 
Rien de grave, une  seule égratignure sur la figure.
Le pilote expliqua : «En sautant, j'ai heurté le gouvernail, me blessant».

Le système Orsec

Deux heures après, sur les lieux, le système Orsec, en partie, était en place. La brigade de gendarmerie d'Arfeuilles, commandés par le chef Gauthier,  prenait les premières dispositions. Le commandant Guérin, inspecteur départemental du service d'incendie et de sécurilé de l'Allier, arrivait sur les lieux, suivi peu après par les sapeurs-pompiers et les gendarmes de Vichy, commandés par le capitaine Bernard.

Les officiers de la Base américaine de Moulins-Yzeure, prévenus aussitôt, arrivaient à Laprugne.

A côté des débris de l'appareil, on reconnaît le commandant Guérin, des services de sécurité de l'Allier

Après avoir choqué le verre de l'amitié au café Gonnard, le pilote américain, réconforté, prenait la direction de Moulins, où, à la base, il a pu conter son extraordinaire aventure.

Il croisait en Méditerranée à bord d'un porte-avions, au large de l'Italie. Il devait atterrir à la base de Châteauroux. Son appareil radio n'ayant pas fonctionné, il a perdu contact avec les pilotes des trois autres appareils.  Puis ce fut l'accident inévitable.

Quelques heures  après, Laprugne et la montagne bourbonnaise retrouvaient en partie leur calme alors que les gendarmes montaient la garde autour des débris de l'avion à réaction, éparpillés sur cinq cents mètres carrés.

Remarques

  • Il ne s'agissait pas d'un avion à réaction, mais d'un chasseur-bombardier équipé d'un bon vieux moteur à hélice.

  • Le Skyraider, tel était son nom ne se traduirait pas par "voyageur du ciel", mais plutôt par "patrouilleur du ciel".

 

Rectificatif publié dans La Montagne le 13.02.1955

L’accident d’avion de Laprugne

A la suite des renseignements qui nous ont été fournis par M. Moux, maire de Laprugne, nous pouvons préciser que l'appareil accidenté serait un avion « Sky-Raider », 2.000 chevaux, 18 cylindres et non un avion à réaction comme nous l'indiquions hier.

La mine de Pomève est une ancienne mine de cuivre argentifère, à 1 km. 500 environ du  moulin Ginetet, près duquel le pilote de l'appareil a atterri dans un champ de fougères.

   En outre, nous nous excusons  d'avoir omis de signaler la présence sur les lieux de l'ac   cident de M le sous-préfet de Vichy, M. Bozzi.

Rectificatif de l’auteur au rectificatif du journal :

Le maire n’était pas Moux, mais M. Moussé, la mine de Pomève est celle de Charrier, située près de la ferme de la Pommeraie, le moulin Ginetet n’est autre que le moulin Gitenay, et le Skiraider pouvait développer non pas 2000 mais 2800 CV de puissance.

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