Article paru dans LA DEPECHE du 11 février 1955

En difficulté au-dessus de la montagne bourbonnaise

HIER MATIN, UN AVION DE L'US NAVY

S'écrase à moins de 500mètres du bourg de LAPRUGNE (Allier)

 Le pilote sain et sauf avait pu sauter en parachute

Vichy. — A moins de 500 mètres du bourg de Laprugne (Allier) au creux d'un vallon, auprès d'un bois, les restes d'un avion de l'U.S. Navy, type Skyraider brûlaient en dégageant une épaisse fumée. Des habitants du village  ou des environs, les pompiers du Mayet de montagne, de Vichy et de Laprugne, les gendarmes des brigades de Arfeuilles et de Cusset ainsi que nous-mêmes contemplions la scène. En heurtant le sol l'avion avait explosé et tout alentour, les morceaux étaient dispersés. Un important cratère  avait été creusé. Un morceau de tableau de bord,  une roue, un bout d'aile, un crochet étaient  nettement reconnaissables.

Les débris de l'appareil 

TROIS AVIONS EN PATROUILLE

Mais laissons la parole à M. François Guet, employé des ponts et chaussées et demeurant au Mayet de Montagne.
« J'étais, nous a-t-il dit avec M Henri Juillet, employé comme moi aux ponts et chaussées et travaillant alors sur la route de Laprugne à la Chabanne. Plus loin de nous se trouvaient M. Marcel Beaufety, Pierre Fève, Jean Malot, tous cantonniers, Laurent, chef cantonnier et M. Chauchebrat, ingénieur T.P.E. du Mayet de montagne.
II était environ 10 h. 30, 10 h. 45, lorsque nous avons entendu dans le ciel des ronflements. Nous avons aperçu une patrouille de trois avions volant à faible altitude. Soudain l'un d'eux se détacha et se mit à tourner en rond en essayant de donner une reprise à son moteur. L'appareil perdait encore de l'altitude et soudain, nous avons constaté que le pilote sautait en  parachute. Celui-ci s'ouvrit tandis que l'avion piquait du nez et, allait aussitôt s écraser près de Laprugne.

M. François GUET, qui, le premier, porta secours à l'aviateur américain

LE PILOTE SAUTE EN PARACHUTE

 "Laissant, nos outils et notre travail mon camarade Juillet et moi-même,  poursuivit-il, nous nous sommes précipités vers le point de chute attendu du pilote tandis que nos autres camarades s'efforçaient d'atteindre l'avion où les avaient précédés MM. Auguste Chavannes, chef laveur et Henri Rivaux, chauffeur aux mines de Charrier.
" Pour avoir couru, alors nous avons tous couru. Le pilote toucha le sol à notre grande satisfaction en évitant les arbres. Nous l'avons aidé à se débarrasser de son parachute et l'avons conduit à la plus proche demeure au Moulin Charrier, chez M, Brisset où on l'a sérieusement réconforté.

« C'est d'ailleurs M. Brisset qui lança l'alerte et prévint la poste afin d'obtenir la  communication avec le terrain  d'aviation de Vichy. M. Moussier, maire de Laprugne arriva rapidement sur les lieux accompagné de M. Georges Naulot qui allait servir d'interprète. Le pilote un jeune homme blond, râblé, à la figure poupine, ne paraissait pas trop ému de son  aventure quoique encore sous le coup de l'émotion et souffrant du froid. Il ne connaît que quelques mots en français, assez cependant nous ont assuré MM. Juillet et Guet pour nous faire  comprendre qu'il était seul dans son avion. »   

Les habitants de Moulin-Cherrier et des fermes environnantes entourent Joseph Skriner

 NE POUVANT REDRESSER  SON APPAREIL,  IL L'ABANDONNE

Grâce à M. Georges Naulot, habitant St Maur et depuis deux jours en vacances à Laprugne où il vient pour la première fois sur la recommandation de ses amis, nous avons pu interroger le pilote lorsque celui-ci fut conduit à l'Hôtel du Nord, tenu par M. Gonnard.
« Je m'appelle Joseph Sckriner, devait-il nous dire ensuite et suis originaire de Cleveland   dans l'Ohio quoique  habitant  New-York. Je suis né le 9 mars 193o et suis marié. Tout en dépendant de la base américaine d'Aix-en-Provence, je suis basé sur le porte-avions américain « Lake-Champlin » au large des côtes italiennes. En patrouille d'entraînement nous avions viré à Châteauroux et regagnions  notre base lorsque je me suis aperçu que le stabilisateur de mon avion était bloqué et que le gouvernail de profondeur ne répondait plus.
" Mon avion piquait du nez et je ne pouvais pas arriver à reprendre de l'altitude.
"Lorsque je vis qu'il n'y avait plus de chance de redresser mon appareil j'ai sauté en parachute une fois que je fus certain que l'avion ne s'écraserait pas sur le village que j'apercevais car je tenais essentiellement à ne causer aucun dommage. »

Le pilote Joseph Skriner s'apprête à téléphoner au Moulin Cherrier à sa base d'Aix en Provence.

Le pilote était légèrement blessé au côté droit de la figure. Il frôla de trop près en sautant, la dérive du gouvernail de son appareil. Il fut soigné par le docteur Frysman de Laprugne.
Le village de Laprugne était, on peut le concevoir en effervescence et chacun voulait voir de
près l'aviateur.  Lorsque  nous l'avons quitté, il trinquait avec le maire, M. Moussié et les pompiers avant de prendre un repas substantiel.
Puis il devait gagner la base américaine de Moulins et enfin celle d'Aix-en-Provence.

Précisons que dans sa joie d'être sain et sauf le pilote a fait cadeau de son parachute aux habitants du Moulin-Charrier qui se le partagèrent. Sur les lieux de l'accident nous avons reconnu MM. Bozzi, sous-préfet de Vichy, le commandant Cabille et le capitaine Bernard de la gendarmerie, le capitaine Guérfn, directeur départemental des services d'incendie, le capitaine Servy des sapeurs-pompiers de Vichy.

Une commission d'enquête américaine se rendra sur les lieux pour examiner les restes de l'appareil.

Jean DESBORDES  - Reportage photographique Jacques Richard

En savoir plus sur le SKIRAIDER, l'avion qui s'écrasa à Laprugne

Le SKYRAIDER AD4N est un chasseur bombardier fabriqué par DOUGLAS.

 
Ed Heinemann, chef du bureau d'études de Douglas El Segundo se montra si mécontent de son XBTD-I, construit dans le cadre d'un programme défini par l'US Navy et concernant un bombardier en piqué-torpilleur embarqué, qu'il décida de dessiner, de sa propre initiative, un avion plus simple et plus fiable.
 Baptisé XBT2D-1 au moment de son premier vol, qui eut lieu le 18 mars 1945, cet appareil devint le Douglas AD-I Skyraider et connut une longue et brillante carrière.

Se présentant alors comme le plus gros monoplace construit en série, cet avion à aile basse avait été conçu pour recevoir le moteur en étoile Wright R-3350, de dimensions inférieures à celles du R-4360 monté sur d'autres prototypes concurrents.

Bien que la place ne fit pas défaut à l'intérieur, la charge offensive était répartie sur sept pylônes par demi-aile repliable, le fait que sa structure fût d'un seul tenant conférant au Skyraider une robustesse remarquable.
L'expérience de la guerre avait démontré que la caractéristique la plus importante pour un appareil de cette catégorie était sa capacité à emporter une grande variété de charges offensives. Douglas fit en sorte que son AD répondît à ce critère, la polyvalence de l'avion permettant la construction de 3 180 exemplaires jusqu'en 1957,

Entré trop tard en service pour participer à la Seconde Guerre mondiale, le AD-I devait se révéler cependant comme un moyen de combat idéal pendant la guerre de Corée, où son importante charge militaire et son autonomie de près de dix heures contrastèrent singulièrement avec les performances affichées par les avions à réaction dans ce domaine.

Les versions AD-I à AD-4 ne se différenciaient que par des détails, mais le AD-5 possédait un habitacle agrandi capable d'accueillir deux membres d'équipage assis côte à côte, certaines des premières versions étant équipées d'un radar APS-20A et d'une cabine dans laquelle pouvaient prendre place deux ou trois opérateurs.

Conçu pour remplacer le SBD DAUNTLESS en 1945, le Skyraider se révéla beaucoup plus performant et agile que ne l'avaient prévu les concepteurs du projet.
Un total de 3180 appareils fut construit jusqu'en 1957. Ils servirent sous les cocardes de la FRANCE, du VIETNAM, de l'US NAVY et de la ROYAL NAVY britannique.

Caractéristiques du Douglas Skyraider

Type: bombardier d'appui tactique
Constructeur: Douglas USA
Envergure: 15,47 m
Longueur: 11,84 m
Hauteur: 4,78 m
Moteur :
Wright R 3350 WA Cyclone à 18 cylindres en double étoiles de 2800 chevaux
Poids Vide:: 4 785 kg
Poids Max:: 11 340 kg
Vitesse maxi: 515 km/h 
Vitesse croisière: 306 Km/h
Plafond pratique: 7 740 m
Armement: 4 Canons de 20 mm
Chargement Bombes: 3 630 Kg
Distance Franchissable: 1 448 Km
Vol Initial: 18 mars 1945

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