La résistance, vue par un enfant*

*Souvenirs d'enfance de Bernard Mercier

De cette période plutôt trouble de 39/45, j’ai conservé quelques souvenirs assez précis qui m’ont profondément marqué et entre lesquels j’ai réussi à établir quelques liens à force de réfléchir.
Par contre quelques faits importants de la vie de Laprugne à cette époque m’ont en partie échappé. J’ai contacté André Feugère qui a conservé à peu près les mêmes souvenirs…

Le réseau Bois Noirs était dirigé par le capitaine Hugon (ancien maire de Billy)  et le commandant Didier (officier de l’armée de l’air, responsable du réseau.)

A Laprugne, un groupe de résistants :

  • M Raphanaud (le père d’André Raphanaud) ancien directeur des mines et sources Charrier.

  • M Bresson Claudius (père de Raymond Bresson qui était prisonnier)

  • M Laurand Joseph, père de Marc Laurand

  • M Picarle Marius, père de Lucien Picarle

  • M Mercier Lucien, père de Bernard Mercier à Râtignet qui se réunissaient dans la salle de séjour de chez Bresson,

alors que femmes et enfants (j’étais d’ailleurs le seul, pour cause d’éloignement du bourg) devisaient à la cuisine.
Je pense n’avoir oublié personne, mais si longtemps après, on ne peut plus être sûr !

Ce groupe était en relation avec le réseau des Monts de la Madeleine basé au gué de la Chaux.

Très souvent, le soir, après la tombée de la nuit, un groupe de maquisards faisait irruption chez nous à Râtignet, pour avoir du carburant, car l’essence était fournie au « compte-gouttes » et du fait de son travail, mon père avait droit à des bons d’essence supplémentaires. Souvent, ces irruptions étaient brutales et traumatisantes, quand les gars se présentaient arme au poing et utilisaient la crosse du fusil pour frapper à la porte.

Mon père rapportait armes, munitions et ravitaillement, le tout camouflé sous la banquette arrière du car sur laquelle je voyageais quand je revenais de Vichy avec lui et j’avais pour mission de ne pas bouger si des allemands montaient dans le car à Cusset ou au Mayet pour « contrôler » (j’ignorais, bien sûr, sur quoi j’étais assis et je ne l’ai appris que plus tard).
Et ce, jusqu’à la réquisition du car de mon père par un réseau de FFI basé à Roanne ou dans les environs.

Ensuite, tout a continué pour mon père qui assurait le service voyageurs Laprugne-Vichy et Laprugne-Roanne avec sa voiture, une Citroën B et une remorque bâchée, et ce jusqu’à la Libération.

Je me rappelle aussi que mon père rapportait, chaque fois qu’il le pouvait, des boussoles qui étaient cachées dans les colis de ravitaillement destinés aux prisonniers en Allemagne, mais si les boussoles partaient, le ravitaillement, lui, était souvent censuré par certains bienfaiteurs de l’humanité dont je crois avoir oublié le nom !….

A la Libération, mon père a eu le choix :

  • Ou récupérer son car dans l’état où il se trouvait, à ses frais, sans aucune indemnité, par voie ferrée, de la base aérienne du Bourget-du-Lac

  • Ou accepter une somme dérisoire qui ne lei permettait même pas d’acheter les 4 pneus éclatés

Il a choisi la 1ère solution, celle de s’endetter pour remettre son véhicule en état de marche.

La présence des deux réseaux de résistance « Bois Noirs » et « Monts de la Madeleine » verrouillait en quelque sorte le secteur La Chabanne-Laprugne-Saint Priest Laprugne.
Les Allemands ne sont montés qu’une seule fois jusqu’aux Laurents, car ils redoutaient l’affrontement avec les maquisards des 2 réseaux.

Je ne sais rien des actions engagées par les 2 réseaux, ces actions étant tenues secrètes. Beaucoup de résistants ont été tués au Gué de La Chaux, suite à de violents combats- ferme incendiée, habitants exécutés ou déportés.

Comme dans toutes les communes de France ou presque, l’ambiance de Laprugne était lourde de suspicion ; il y avait des résistants, j’ai entendu parler de collabos  ou au moins sympathisants avec l’ennemi, de dénonciateurs, de profiteurs, d’indifférents. Une grande partie de la population, dans l’attente de dénouement ne s’était pas encore définie.

Certains habitants de Laprugne s'engagèrent dans la Résistance et y laissèrent la vie:

Fernand Lafaye (1887-1944) aprrès avoir fait ses études primaires à Laprugne jusqu'au certificat d'études, y revint enseigner durant 11 ans (de 1909 à 1920)
Sa fille, Marinette naquit à Laprugne en 1914 et y passa sa petite enfance. Devenue pharmacienne, elle épousa Max Menut et s'installa à Riom.

Le père et la fille rejoignirent le maquis et participèrent aux combats du Mont Mouchet en 1944.
Fernand Lafaye fut tué en combattant face à l'ennemi.
Sa fille Marinette Menut* , fut faite prisonnière, emmenée à Chaudes-Aigues puis à Clermont Ferrand où elle fut effroyablement torturée à mort.*

*Renseignements trouvés sur un site consacré à « Riom le Beau »: http://membres.lycos.fr/jpax/pg11.html

lire par ailleurs le petit  livre d'Henri Foussard: Témoignages, la vie et la mort héroïque de…. Aux éditions Portes du Large

Fernand Lafaye et sa fille reçurent chacun la Légion d'Honneur à titre posthume.

 Plusieurs municipalités commémorent leur souvenir en leur ayant dédié des noms de rues (à Cusset, Riom, Lyon),  d'école (à Vichy) ou des plaques commémoratives (Clermont-Ferrand)

Fernand Lafaye a passé toute sa scolarité primaire à Laprugne, où il est revenu enseigner, comme son père.

Sa fille Marinette, est né à Laprugne et y a passé sa petite enfance.

Rien ne signale, pourtant, dans notre commune, la vie de ces deux héros de la Résistance.

Un jour peut-être?

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