Mais où est donc passée la Chapelle Sainte Madeleine?

1761: l'interdiction des pèlerinages

12 juillet 1761: l'Archevêque de Lyon interdit formellement le pèlerinage de Sainte Madeleine de la Chalme et ferme le prieuré.
Pourquoi cette décision, à priori peu compatible avec les intérêts de l'église? A cela, plusieurs raisons: . les pèlerinages attiraient dans les bois de nombreuses personnes, qui du fait de l'éloignement, y passaient une ou plusieurs nuits, transformant les alentours en un immense champ de foire où moralité, chasteté et sobriété ne trouvaient pas leurs comptes (le plateau voisin s'appelle toujours le plan de la Danse)
. Les conditions de vie y étaient fort rudes et n'avaient rien à voir avec le confort (relatif) d'un monastère de plaine et peu de religieux se sentaient une âme d'ermite doublée de l'ingéniosité d'un Robinson Crusoé.

La disparition de la chapelle

Toutes les parties en bois des constructions ont donc pourri ou furent brûlées.
En 1807, les pierres taillées furent descendues à Arcon pour y réparer l'église locale et sa sacristie.
Il paraît qu'avant la guerre de 39-45, on pouvait reconnaître, dans la ferme voisine (détruite par les Allemands le 22 juillet 1944), une cheminée en granit décorée d'un blason contenant une croix  et un bandeau chargé d'étoiles à 5 branches.

Les fouilles du 19ème siècle

Le docteur Noëlas écrivait en 1869 : « Les décombres sont remplis d'ossements d'adultes et d'enfants, mêlés à des clous, des bouts de lances, des fragments de verre et des vases de terre ».

Quant à Claude Alamartine, voici ce qu'il en pense:
"On enterrait donc à La Madeleine avant et au cours du Moyen Age,...  peut-être après. Quoi de plus naturel ? La chapelle a surgi dans un site habité depuis l'antiquité. Le hasard a favorisé des découvertes qui en témoignent : débris de vases anciens, médailles de Trajan, Constantin, monnaies antiques.
Le plateau, sorte d'oppidum naturel, a été aménagé en refuge pour les populations persécutées d'alentour, à toutes les époques troublées de notre histoire : invasions Burgondes et franques, guerre de Cent Ans, Grande Révolution, plus près de nous : l'occupation allemande.
Un véritable cimetière identifié à l'Est, au lieu-dit «Tombérinaux »,les trouvailles faites à l'Ouest, au Mépart, et les croix élevées à la mémoire de quelques résistants tués en 1944, rappellent les combats acharnés qui s'y sont livrés.

  Au milieu du siècle dernier, le propriétaire de la ferme voisine, M.Rathier, eut l'occasion d'ouvrir une sépulture inviolée, située près du seuil de la porte de la chapelle.
La tombe, protégée par une dalle de granit brut, sans inscription et maçonnée à l'intérieur, mesurait deux mètres sur 0 m 50 ; elle contenait trois squelettes d'adultes couchés côte à côte et d'inégale longueur : 1 m 65 ; 1 m 70 ; 1 m 50. L'un avait à ses pieds un vase de terre jaune, vide. semblable à un pot à eau vulgaire, mais à bord très évasé... Un autre squelette tenait en main une tassette à anse de terre vernissée.
Dans le terreau noir de la sépulture a surgi une piécette d'argent portant à l'avers l'inscription : Ugo Burgundiae et le mot Dux sur une croix pattée. Au revers : M. Dionensis. Hugues de Bourgogne, dit Le Pacifique, était de la première race royale de France et mourut en 1411. La pièce est presque à fleurde coin et nous donne l'époque probable de cette sépulture.

Des fouilles systématiques auraient sûrement mis au jour d'autres tombes.
La fameuse « pierre à cinq trous », telle que l'a décrite et dessinée Noëlas, de « la forme d'une tombe à deux égouts », n'aurait-elle pas été, du moins à ses origines vu ses dimensions : 2 m 50 sur 0 m 80, une simple pierre mortuaire ?"

1952-1953: on retrouve l'emplacement

Dans les années 1950, un groupe de jeune roannais, animé par M Favier, s'attelèrent à la lourde tache de retrouver l'emplacement de l'ancienne chapelle.
La mission était difficile du fait de l'imprécision  des renseignements et de la centaine d'hectares à fouiller.
Une première exploration eut lieu fin septembre 1951. Mais la mauvaise saison, peu favorable à ce genre de recherches à une telle altitude, fit remettre au printemps le début des travaux.
Laissons donc  M. Favier raconter lui-même la manière dont furent menées les fouilles en reproduisant son article publié dans l'hebdomadaire « L'Essor »:

« L'autorisation du propriétaire du terrain, le duc de Broglie, ayant été obtenue grâce à la compréhension de son sympathique régisseur, M. Georgeon, une tranchée était ouverte dès le 8 mars 1952, qui recoupait presque aussitôt en même temps qu'elle confiait d'abondants débris de tuiles et de pierres, des fondations en assez bon état de conservation. C'était un encouragement ; la preuve tout au moins qu'il y avait eu là quelque chose, car, à y bien penser, il aurait tellement pu n'y rien avoir...

Par la suite, et toujours la même année, fut mis à jour un second mur, à six mètres plus au Nord, l'un et l'autre régulièrement orientés suivant la direction est-ouest, et présentant dans leur construction des caractères d'ancienneté certains, et, entre les deux, les restes assez conséquents d'un très rudimentaire dallage de pierres.

Le tout assorti de la moisson ordinaire de menus objets : débris de verreries, de poteries ,d'ossements, de clous, de laquelle il convient de mettre en évidence, en même temps que quelques ossements découverts sous une grosse dalle de pierre, d'anciennes pièces de monnaies... intéressantes surtout en ce qu'elles attestent en cet endroit un habitat antique, rencontrées dans une sorte de petite cellule très exiguë de 2 m 40 de long sur 1 m 30 de large, mises à jour en mai.
L'année 1953 verra s'étendre le champ des fouilles.

Les murs déjà reconnus seront suivis en même temps que le dallage sera prospecté sur plus de 25 m2... D'autres murs de toutes directions, de toutes épaisseurs, de tous appareils se révélaient aux outils et il devenait évident que l'on se trouvait en présence de plusieurs constructions édifiées les unes sur les autres à des époques différentes...
Par ailleurs, devant l'élargissement du champ d'action, les moyens matériels de la petite équipe s'avèrent désormais nettement insuffisants en face d'une tâche dont l'ampleur s'accroît sans cesse.
Pour espérer maintenant une vue d'ensemble de la question, il ne faudrait rien moins que mettre à nu une surface de 2.000 m2 représentant 400 à 500 mètres-cubes de terre. ce qui est absolument impossible avec les moyens engagés... ».

Les fouilles sont restées à ce stade, pour les raisons exposées par M. Favier lui-même. De nos jours, à moins d'être très exactement informé de l'emplacement de la chapelle, on ne distingue pratiquement plus rien, tant l'herbe,  les grands genêts et les sapins ont poussé drus sur les déblais.
C'est à peine si l'on note sous le pied, quelques vagues proéminences qui marquent les fondations... et pour combien de temps encore...
Pour finir, redonnons la parole à M Alamartine:
"Pour compléter l'information, j'ajouterai que les trois principales pièces de monnaie trouvées en 1953-1954, ont été soumises, le 16 mai 1954, à l'examen du grand numismate lyonnais, M. Jean Tricou, qui les a identifiées :
-  La première (monnaie de billon), est une pièce Louis XIV de 30 deniers avec ses deux LL ; elle fut frappée à Lyon en 1711.
-  La deuxième, en cuivre, est une pièce de la principauté des Dombes : un liard frappé à Trévoux en 1595, avec effigie d'Henri de Bourbon-Montpensier.
- La troisième enfin, en argent, est une pièce rare de l'église de Die : un denier de la Vierge du XIVe siècle.
En 1869, Noëlas avait signalé qu'il avait découvert lui aussi «une quantité de piécettes de monnaies perdues dans les foires de La Madeleine ou données pour les oraisons. Ce sont des pièces de Henri II avec les croissants, de Henri III, Henri lV, Gaston de Foix, Louis XIII, Louis XIV, une foule de deniers des Dombes, etc.… »

Il aurait été intéressant de savoir où sont passées les collections personnelles du docteur Noëlas pour faire identifier ses intéressantes trouvailles qui ne sont en somme, qu'un échantillonnage de ce qui a pu se perdre ou se briser sur le plateau durant tant de siècles. Il doit en rester des quantités.
N-a-t-il pas suffi à un touriste, cet été, de donner un coup de pied dans une taupinière pour en voir surgir une pièce du XVIIe siècle en parfait état de conservation?

Que va devenir maintenant ce site historique ? Jusqu'à ce jour il n'a guère changé. Sur la carte de l'I.G.N. de 1964, on trouve notée la clairière dans des dimensions à peu près égales à celles que lui avait données la carte de Cassini levée deux siècles plus tôt. L'occupation de la ferme jusqu à la guerre a permis d'entretenir dans les narces des pâturages qui ont été ensuite maintenus en location à des éleveurs jusqu'en 1970.
Mais les récentes plantations de conifères sur toute la surface du plateau, d'où, par temps clair, on découvre encore si bien les Monts du Forez, sont sur le point de faire disparaître à jamais non seulement la prairie qui, au printemps, se dorait de jonquilles mais aussi toutes les traces des constructions anciennes
.

En livrant pour toujours a la nature un territoire que l'homme lui a disputé depuis l'antiquité, le reboisement ne facilitera pas un éventuel retour à des prospections qui permettraient
peut-être enfin de matérialiser le souvenir de l'antique chapelle et du
 prieuré."

Et si je pouvais émettre un voeu pieux (ce qui serait normal, vu la nature du sujet) c'est qu'un des nombreux organismes de promotion ou de gestion du tourisme ait la bonne idée d'installer sur l'emplacement de la chapelle disparue un panneau signalant qu'ici eurent lieu pendant plus de 5 siècles des pèlerinages et que cette humble chapelle a donné son nom au massif montagneux qui sépare le bassin de Vichy du Roannais.

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