Article paru dans le mensuel LA QUINAUDE de mai 1991

La Prugne: l'accordéon

La Prugne, c'est un peu l'accordéon de la Montagne bourbonnaise,
se repliant ou se déployant au gré des opportunité, qu'il s'agisse de la mine d'uranium,
de la source Charrier ou des vagues touristiques.
Preuve qu'avec un peu de chance, la troisième commune de la Montagne bourbonnaise
(après Le Mayet et Ferrières) pourrait retrouver un second souffle.

A la fin des années 50, La Prugne compte 930 habitants, héritiers d'une tradition minière qui remonte au siècle précédent où l'on y exploitait le cuivre et le plomb argentifère.
C'est alors que la Compagnie générale des matières nucléaires (Cogéma) décide d'extraire de l'uranium, étirant au maximum le soufflet de l'accordéon de La Prugne : au plus fort de l'exploitation, en 1965-66, les Prugnards sont environ 1.500. « Une montée vertigineuse »,dit Augustin Cognet. le secrétaire de mairie actuel : la Cogéma construit 138 appartements HLM pour ses mineurs, on édifie une école toute neuve qui abritera jusqu'à douze classes, les commerces s'agrandissent, d'autres se créent, tel le garage Morthon ou l'épicerie de Marthe Paput qui confie : « Mon mari et moi, nous avons fait toute notre carrière avec la mine.»

Mais
, en 1980. catastrophe : la mine ferme et la population chute alors à 560, refermant le soufflet. L'école se retrouve momentanément en classe unique et de nombreux magasins ferment Tout récemment encore, le magasin d'électroménager a baissé définitivement son rideau. Un même phénomène, mais de moindre ampleur, s'est produit à peu près à la même époque avec la source Charrier (lire l'encadré) qui connut son heure de gloire et employa jusqu'à 150 personnes avant de rejoindre le fleuve de l'oubli.

Pourtant, de nouvelles chances vont se présenter. L'installation de jeunes (de la commune ou d'ailleurs), tout d'abord, qui apportent un sang neuf : rien que cette année. La Prugne a compté neuf naissances.

 L'école - baromètre reconnu de la  vitalité d'une commune - reflète bien cette tendance. Alain Sennepin, directeur et instituteur, se souvient : « Je suis arrivé ici en septembre 1985 dans une classe unique de 14 élèves. Pourtant, dès décembre de cette même année, j'ai dû demander l'ouverture d'une section maternelle. Et, depuis, les effectifs n'ont pas cessé d'augmenter. En sorte que Nathalie Leray. ma collègue chargée de la maternelle, a actuellement 21 élèves et en aura 24 après la rentrée de Pâques 92. Quant à moi, je m'occupe de 25 enfants, du cours préparatoire au CM2.
 Mieux : nous pensons pouvoir affirmer qu'une troisième classe s'ouvrira à la rentrée 92-93 et que, par conséquent, l'école fonctionnera alors sur les cycles

 Et une ouverture de classe, nous le savons, est chose rare en zone rurale!

Pascal Sudre (ci-dessus) et Jean Picarle (ci-dessous) les deux boulangers de La Prugne à la suite, chacun, de leur père

 Parmi ces jeunes, citons Pascal Sudre qui a succédé il y a six ans à son boulanger de père. tandis que Jean Picarle prendra en janvier la suite du sien dans 1 'autre boulangerie de La Prugne. Quant à Jocelyne Berthet. la pharmacienne, elle ne regrette pas son Isère natale, tout comme Marc et Marianne Briand arrivés de Paris il y a huit ans, séduits par les prix abordables des terrains et des maisons de la Montagne et qui ont réussi leur «transplantation». Leurs activités ? La culture des vivaces, pour Marc : « J'élève une centaine de variétés dans 50.000 godets, que je vends à des jardineries, des graineteries et à quelques particuliers. » Marianne, elle, a trouvé un poste au lycée agricole de Lapalisse : « Heureusement commente Marc. Car, après quatre ans de travail, cette année est la première où j'équilibre tout juste. En augmentant ma clientèle de particuliers et en travaillant avec les communes et les collectivités, je pourrai, avec 100 000 godets en 1993, tirer un véritable salaire. » Bien adaptée à la petite taille de l'exploitation traditionnelle de la Montagne, cette activité originale mérite de réussir.

Mis à part ces exemples isolés, quelles sont les activités principales des Prugnards ? L'instituteur répond :
« ils sont agriculteurs ou travaillent dans les scieries, même si la commune n'en compte aucune sur son territoire.
» C'est que, sur les 3 461 hectares de ce dernier, les deux tiers sont plantés de forêts, dont celle, très belle, de l'Assise qu'étudieront les élèves du lycée Jules-Verne du Mayet-de-Montagne (lire page 13). Augustin Cognet complète : «Jadis, des mineurs exploitaient souvent, à côté, une petite ferme de quelques hectares. Mais, à la fermeture de la mine, les gens ont suivi la Cogéma, et les terres ont été replantées ou agglomérées à des exploitations plus importantes. En sorte qu'il reste aujourd'hui sur la commune six ou sept grosses fermes qui font du lait et de la viande. » Ces exploitations et celles des communes environnantes sont d'ailleurs l'un des éléments qui ont donné naissance au projet de fromagerie encore à l'étude et décrit dans la précédente Quinaude. Cette petite industrie pourrait s'installer dans l'atelier de 600m2 laissé vacant depuis la fermeture de la fonderie d'aluminium qui employa de 20 à 25 personnes il y a quelques années. En 1988, la commune a racheté le bâtiment et les 3,6 hectares de terrain qui constituent une zone industrielle potentielle. La Prugne compte, cependant, des travailleurs qui ont un emploi dans des entreprises de la commune voisine de Saint-Priest.

CHARRIER:  LA  SOURCE GELEE

Dans les années 20, le responsable de la mine de cuivre de La Prugne alors exploitée aménage la Bouna Font qui jaillit des hauteurs de Charrier et l'amène jusqu'au hameau pour les besoins des mineurs. Bientôt commercialisée, elle est réputée dans les années 50 comme « l'eau la plus radioactive». Comme on sait, ce slogan perdra vite son image positive, et le groupe Perrier, qui en prend le contrôle en 1960 via sa filiale SCBV (Société commerciale des eaux minérales du bassin de Vichy), lui préfère "BB aime Charrier" C'est que la star,alors à l'apogée de sa beauté et de sa carrière, vient d'épouser Jacques Charrier dont on connaît tes attaches familiales au «pays». Las ! très vite, il y a de l'eau dans le gaz entre les amoureux

 Et les cinq employés actuels doivent partager leur temps entre cette source et celle de Régina à Cusset.

Pourquoi cette récession ? Problèmes de transport dus à la situation géographique, manque d'isolation des bâtiments qui ne permettent pas l'exploitation en hiver, ou coût trop élevé pour passer des bouteilles en verre au PVC ?
Ces éléments ne sont peut-être rien en comparaison de la volonté du groupe Perrier d'acheter et de «geler» les sources qui peuvent concurrencer celles qu'il exploite à Saint-Yorre et Vichy.
Ceux qui aiment toujours Charrier peuvent encore s'en procurer à l'épicerie Paput au bourg de La Prugne au prix de 1.50F te litre (ajouter 21F de consigne, bouteilles et casier, aux 18F pour 12 litres d'eau).

 

: Brigitte Bardot intente même un recours en justice pour stopper la campagne de publicité. L'eau n'en continue pas moins de couler à Charrier mais, de 14 millions de cols embouteillés en 1962 par 150 employés, la commercialisation baisse peu à peu pour atteindre en 1969 quelque 825.000 cols seulement.

LES JOLIES COLONIES DE VACANCES

L'Association des pupilles de l'enseignement public de l'Allier (PEP) est propriétaire depuis 1950, à La Prugne, d'un centre où ces pupilles viennent en vacances dans un cadre agréable. Les ans passant, le centre nécessitait des travaux de mise en conformité qui viennent de commencer : aménagement des dortoirs en chambres individuelles, isolation, chauffage, extérieurs. Pour rentabiliser l'investissement. la PEP doit trouver de nouvelles activités. Lucien Michel, le vice-président, explique : « Nous poursuivons notre rôle social mais en fonctionnant non plus durant les seuls mois d'été mais sur toute l'année : nous accueillerons, en période scolaire, des classes transplantées et, pendant les petites vacances, d'autres colonies. Nous prenons également des contacts pour accueillir, durant les week-ends, des groupes tels que les éclaireurs de France ou les pompiers de Vichy. » Animations prévues : la découverte du milieu naturel et celte des artisans locaux.

Ce nouveau rythme devrait s'instaurer progressivement au cours de l'année à venir. La Prugne, en retour, devrait bénéficier d'un regain d'activité tant sur le plan des commerces que celui de l'embauche. Car, déjà, un homme à tout faire vient d'être embauché à plein temps, un contrat de solidarité est prévu, et les séjours des groupes réclameront le savoir-faire et les bras d'un cuisinier, d'une femme de chambre, etc.

TOURISME

NUAGES SUR LE CORDAT

400 personnes par semaine: les 90 appartements bien entretenus de la résidence le Cordat n'ont pas désempli en juillet et août. Le nombre de nuitées si l'on inclut les mois de juin et de septembre qui connaissent toujours une moindre affluence, s'est élevé à 24 000. Joli score qui correspond à une indéniable réussite commerciale, rarement atteinte en Auvergne dans ce type de structure.

Mais il y a un hic : les frais très -trop - élevés de structure qui hypothèquent la rentabilité de la Résidence et son avenir. « Songez, par exemple, que,pour tenir hors gel cet imposant ensemble immobilier, pas moins de 70.000 litres de fuel doivent être brûlés chaque hiver », indique Frédéric Fossaert, directeur de l'association gestionnaire, Tourisme social promotion vacances.

Du coup, le propriétaire - à savoir une importante société parisienne d'HLM, la Sageco pour laquelle Le Cordat représente une toute petite partie de son patrimoine - a décidé de faire une pause dans les investissements qui se sont élevés en moyenne à 400.000F par an ces cinq dernières années et ont permis de rénover et d'améliorer substantiellement le "produit". Cette décision laisse-t-elle mal augurer de l'avenir ? Pour assurer la pérennité de ce qui n'est, pour la Sageco, qu'une « expérience touristique », il faut, affirme Frédéric Fossaert,  "trouver une occupation significative hors de la saison estivale" Réussira-t-il à relever ce nouveau et difficile défi ? L'enjeu vaut, en tout cas, que tout soit mis en œuvre par tous.

Sinon, la locomotive touristique qu'est la Résidence Le Cordat (elle induirait quelque 2,5MF de dépenses en été) risque de s'essouffler et la Montagne bourbonnaise d'en pâtir durement.

Mais, au Bourg même, le dynamique atelier relais Goutorbe Électronique que nous avons déjà décrit est, avec une vingtaine de salariés, la seconde chance de La Prugne.
Surtout
, l'accordéon de La Prugne est périodiquement actionné par les vagues touristiques. Moins à La Loge des Gardes dont le relais et l'hôtel ne retiennent qu'une clientèle de passage, qu'à la Résidence Le Cordat installée dans les anciennes HLM de la Cogéma. En effet, ajoutée aux six gîtes ruraux et aux 90 résidences secondaires

(dont celles des Prugnards qui ont suivi la Cogéma mais ont gardé un toit et leur cœur dans la Montagne), cette résidence est la troisième chance de La Prugne : en été. la population de la commune double presque et compte alors entre 1.000 et 1.200 âmes (lire ci-contre).À l'exception de René et Annie Oblette, dont le café-restaurant travaille surtout avec les ouvriers, tous les commerçants sont unanimes pour reconnaître l'impact du tourisme en général et de la Résidence Le Cordat en particulier : « Cet été, dit Nathalie Barrallon, la jeune propriétaire du Café-restaurant-hôtel du Commerce, mes quatre chambres n'ont pas suffi à satisfaire la demande. Et, l'hiver, j'ai aussi des clients quand il y a de la neige. » Car c'est l'un des atouts de La Prugne que de pouvoir fonctionner presque autant sur les deux saisons. Et c'est sans doute en parte grâce à ce tourisme - qui gagnerait à être conforté par des actions d'embellissement du bourg - que trois garages de mécanique, deux boulangeries, une épicerie. un tabac-journaux-vêtements, deux menuisiers, un médecin, une pharmacie, six cafés et restaurants perdurent.

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