|
La
Prugne: l'accordéon
|
La
Prugne, c'est un peu l'accordéon de la Montagne bourbonnaise,
se repliant ou se déployant au gré des opportunité, qu'il s'agisse de
la mine d'uranium,
de
la source Charrier
ou des vagues touristiques.
Preuve qu'avec un peu de chance, la troisième commune de la Montagne
bourbonnaise
(après Le Mayet et Ferrières) pourrait retrouver un second souffle.
|
 |
A
la fin des années 50, La Prugne compte 930 habitants, héritiers d'une
tradition minière qui remonte au siècle précédent où l'on y
exploitait le cuivre et le plomb argentifère.
C'est alors que la Compagnie générale des matières nucléaires (Cogéma)
décide d'extraire de l'uranium, étirant au maximum le soufflet de
l'accordéon de La Prugne : au plus fort de l'exploitation, en 1965-66,
les Prugnards sont environ 1.500. « Une
montée vertigineuse »,dit Augustin Cognet. le secrétaire de
mairie actuel : la Cogéma construit 138 appartements HLM pour ses
mineurs, on édifie une école toute neuve qui abritera jusqu'à douze
classes, les commerces s'agrandissent, d'autres se créent, tel le garage
Morthon ou l'épicerie de Marthe Paput qui confie : « Mon mari et moi, nous avons fait toute notre carrière avec
la mine.»
Mais
, en 1980. catastrophe :
la mine ferme et la population chute alors à 560, refermant le soufflet.
L'école se retrouve momentanément en classe unique et de nombreux
magasins ferment Tout récemment encore, le magasin d'électroménager a
baissé définitivement son rideau. Un même phénomène, mais de moindre
ampleur, s'est produit à peu près à la même époque avec
la source Charrier
(lire l'encadré) qui connut son heure de gloire et employa jusqu'à 150
personnes avant de rejoindre le fleuve de l'oubli.
Pourtant,
de nouvelles chances vont se présenter. L'installation de jeunes (de la
commune ou d'ailleurs), tout d'abord, qui apportent un sang neuf : rien
que cette année. La Prugne a compté neuf naissances.
L'école -
baromètre reconnu de la vitalité
d'une commune - reflète bien cette tendance. Alain Sennepin, directeur et
instituteur, se souvient : « Je
suis arrivé ici en septembre 1985 dans une classe unique de 14 élèves.
Pourtant, dès décembre de cette même année, j'ai dû demander
l'ouverture d'une section maternelle. Et, depuis, les effectifs n'ont pas
cessé d'augmenter. En sorte que Nathalie Leray. ma collègue chargée de
la maternelle, a actuellement 21 élèves et en aura 24 après la rentrée
de Pâques 92. Quant à moi, je m'occupe de 25 enfants, du cours préparatoire
au CM2.
Mieux : nous
pensons pouvoir affirmer qu'une troisième classe s'ouvrira à la rentrée
92-93 et que, par conséquent, l'école fonctionnera alors sur les cycles.»
Et une
ouverture de classe, nous le savons, est chose rare en zone rurale!
|
Pascal
Sudre (ci-dessus) et Jean Picarle (ci-dessous) les deux boulangers de La
Prugne à la suite, chacun, de leur père
|
 |
Parmi
ces jeunes, citons Pascal Sudre qui a succédé il y a six ans à son
boulanger de père. tandis que Jean Picarle prendra en janvier la suite
du sien dans 1 'autre boulangerie de
La Prugne. Quant
à Jocelyne Berthet. la pharmacienne, elle ne regrette pas son Isère
natale, tout comme Marc et Marianne Briand arrivés de Paris il y a huit
ans, séduits par les prix abordables des terrains et des maisons de la
Montagne et qui ont réussi leur «transplantation». Leurs activités ?
La culture des vivaces, pour Marc : « J'élève
une centaine de variétés dans 50.000 godets, que je vends à des
jardineries, des graineteries et à quelques particuliers. » Marianne,
elle, a trouvé un poste au lycée agricole de Lapalisse : «
Heureusement commente Marc. Car, après quatre ans de travail, cette année
est la première où j'équilibre tout juste. En augmentant ma clientèle
de particuliers et en travaillant avec les communes et les collectivités,
je pourrai, avec 100 000 godets en 1993, tirer un véritable salaire.
» Bien adaptée à la petite taille de l'exploitation
traditionnelle de la Montagne, cette activité originale mérite de réussir.
Mis
à part ces exemples isolés, quelles sont les activités principales des
Prugnards ? L'instituteur répond :
« ils sont agriculteurs ou travaillent dans les scieries, même si la
commune n'en compte aucune sur son territoire. » C'est
que, sur les
3 461 hectares
de ce dernier, les deux tiers sont plantés de forêts, dont celle, très
belle, de l'Assise qu'étudieront les élèves du lycée Jules-Verne du
Mayet-de-Montagne (lire page 13). Augustin Cognet complète : «Jadis,
des mineurs exploitaient souvent, à côté, une petite ferme de quelques
hectares. Mais, à la fermeture de la mine, les gens ont suivi la Cogéma,
et les terres ont été replantées ou agglomérées à des exploitations
plus importantes. En sorte qu'il reste aujourd'hui sur la commune six ou
sept grosses fermes qui font du lait et de la viande. » Ces
exploitations et celles des communes environnantes sont d'ailleurs l'un
des éléments qui ont donné naissance au projet de fromagerie encore à
l'étude et décrit dans
la précédente Quinaude. Cette
petite industrie pourrait s'installer dans l'atelier de 600m2 laissé
vacant depuis la fermeture de la fonderie d'aluminium qui employa de 20 à
25 personnes il y a quelques années. En 1988, la commune a racheté le bâtiment
et les
3,6 hectares
de terrain qui constituent une zone industrielle potentielle. La Prugne
compte, cependant, des travailleurs qui ont un emploi dans des entreprises
de la commune voisine de Saint-Priest.
|
CHARRIER:
LA SOURCE GELEE
Dans
les années 20, le responsable de la mine de cuivre de La Prugne alors
exploitée aménage
la Bouna Font
qui jaillit des hauteurs de Charrier et l'amène jusqu'au hameau pour les
besoins des mineurs. Bientôt commercialisée, elle est réputée dans les
années 50 comme « l'eau la plus
radioactive». Comme on sait, ce slogan perdra vite son image
positive, et le groupe Perrier, qui en prend le contrôle en 1960 via sa
filiale SCBV (Société commerciale des eaux minérales du bassin de
Vichy), lui préfère "BB aime Charrier" C'est que la star,alors à l'apogée de sa
beauté et de sa carrière, vient d'épouser Jacques Charrier dont on
connaît tes attaches familiales au «pays». Las
! très vite, il y a de l'eau dans le gaz entre les amoureux |
 |
Et
les cinq employés actuels doivent partager leur temps entre cette source
et celle de Régina à Cusset.
Pourquoi
cette récession ? Problèmes de transport dus à la situation géographique,
manque d'isolation des bâtiments qui ne permettent pas l'exploitation en
hiver, ou coût trop élevé pour passer des bouteilles en verre au PVC ?
Ces éléments ne sont peut-être rien en comparaison de la volonté du
groupe Perrier d'acheter et de «geler» les sources qui peuvent
concurrencer celles qu'il exploite à Saint-Yorre et Vichy.
Ceux qui aiment toujours Charrier peuvent encore s'en procurer à l'épicerie
Paput au bourg de La Prugne au prix de
1.50F
te litre (ajouter
21F
de consigne, bouteilles et casier, aux
18F
pour
12 litres
d'eau).
|
:
Brigitte Bardot intente même un
recours en justice pour stopper la campagne de publicité. L'eau n'en
continue pas moins de couler à Charrier mais, de 14 millions de cols
embouteillés en 1962 par 150 employés, la commercialisation baisse peu
à peu pour atteindre en 1969 quelque 825.000 cols seulement.
|
LES
JOLIES COLONIES DE VACANCES
L'Association
des pupilles de l'enseignement public de l'Allier (PEP) est propriétaire
depuis 1950, à La Prugne, d'un centre où ces pupilles viennent en
vacances dans un cadre agréable. Les ans passant, le centre nécessitait
des travaux de mise en conformité qui viennent de commencer : aménagement
des dortoirs en chambres individuelles, isolation, chauffage, extérieurs.
Pour rentabiliser l'investissement. la PEP doit trouver de nouvelles
activités. Lucien Michel, le vice-président, explique : «
Nous poursuivons notre rôle social mais en fonctionnant non plus durant
les seuls mois d'été mais sur toute l'année : nous accueillerons, en période
scolaire, des classes transplantées et, pendant les petites vacances,
d'autres colonies. Nous prenons également des contacts pour accueillir,
durant les week-ends, des groupes tels que les éclaireurs de France ou
les pompiers de Vichy. » Animations prévues : la découverte du
milieu naturel et celte des artisans locaux.
Ce
nouveau rythme devrait s'instaurer progressivement au cours de l'année à
venir. La Prugne, en retour, devrait bénéficier d'un regain d'activité
tant sur le plan des commerces que celui de l'embauche. Car, déjà, un
homme à tout faire vient d'être embauché à plein temps, un contrat de
solidarité est prévu, et les séjours des groupes réclameront le
savoir-faire et les bras d'un cuisinier, d'une femme de chambre, etc.
|
TOURISME |
NUAGES
SUR LE CORDAT
400
personnes par semaine: les 90 appartements bien entretenus de la résidence
le Cordat n'ont pas désempli en juillet et août. Le nombre de nuitées
si l'on inclut les mois de juin et de septembre qui connaissent toujours
une moindre affluence, s'est élevé à 24 000. Joli score qui correspond
à une indéniable réussite commerciale, rarement atteinte en Auvergne
dans ce type de structure.
Mais il y a un hic : les frais très -trop - élevés de structure qui
hypothèquent la rentabilité de la Résidence et son avenir. « Songez,
par exemple, que,pour tenir hors gel cet imposant ensemble immobilier, pas
moins de
70.000 litres
de fuel doivent être brûlés chaque hiver », indique Frédéric
Fossaert, directeur de l'association gestionnaire, Tourisme social
promotion vacances.
Du
coup, le propriétaire - à savoir une importante société parisienne
d'HLM, la Sageco pour laquelle Le Cordat représente une toute petite
partie de son patrimoine - a décidé de faire une pause dans les
investissements qui se sont élevés en moyenne à
400.000F
par an ces cinq dernières années et ont permis de rénover et d'améliorer
substantiellement le "produit". Cette décision laisse-t-elle
mal augurer de l'avenir ? Pour assurer la pérennité de ce qui n'est,
pour la Sageco, qu'une « expérience touristique », il faut, affirme Frédéric
Fossaert, "trouver une
occupation significative hors de la saison estivale" Réussira-t-il
à relever ce nouveau et difficile défi ? L'enjeu vaut, en tout cas, que
tout soit mis en œuvre par tous.
Sinon,
la locomotive touristique qu'est
la Résidence Le Cordat
(elle induirait quelque 2,5MF de dépenses en été) risque de
s'essouffler et la Montagne bourbonnaise d'en pâtir durement.
|
 |
Mais, au
Bourg même, le dynamique atelier relais Goutorbe Électronique que nous
avons déjà décrit est, avec une vingtaine de salariés, la seconde
chance de
La Prugne.
Surtout
, l'accordéon de La Prugne est périodiquement actionné par les vagues
touristiques. Moins à La Loge des Gardes dont le relais et l'hôtel ne
retiennent qu'une clientèle de passage, qu'à
la Résidence Le Cordat
installée dans les anciennes HLM de
la Cogéma. En
effet, ajoutée aux six gîtes ruraux et aux 90 résidences secondaires
|
(dont
celles des Prugnards qui ont suivi la Cogéma mais ont gardé un toit et
leur cœur dans la Montagne), cette résidence est la troisième chance de
La Prugne : en été. la population de la commune double presque et compte
alors entre 1.000 et 1.200 âmes (lire ci-contre).À
l'exception de René et Annie Oblette, dont le café-restaurant travaille
surtout avec les ouvriers, tous les commerçants sont unanimes pour
reconnaître l'impact du tourisme en général et de la Résidence Le
Cordat en particulier : « Cet été, dit Nathalie Barrallon, la
jeune propriétaire du Café-restaurant-hôtel du Commerce, mes quatre
chambres n'ont pas suffi à satisfaire la demande. Et, l'hiver, j'ai aussi
des clients quand il y a de la neige. » Car c'est l'un des atouts
de La Prugne que de pouvoir fonctionner presque autant sur les deux
saisons. Et c'est sans doute en parte grâce à ce tourisme - qui
gagnerait à être conforté par des actions d'embellissement du bourg -
que trois garages de mécanique, deux boulangeries, une épicerie. un
tabac-journaux-vêtements, deux menuisiers, un médecin, une pharmacie,
six cafés et restaurants perdurent. |
ACCUEIL
LAPRUGNE DANS LA PRESSE |