Les arracheurs de dents

A Laprugne avant les années 60 et l'installation d'un cabinet de dentiste itinérant, il fallait, en cas de rage de dents, soit aller chez le dentiste au chef-lieu de canton, soit consulter un "arracheur de dents".

Nos anciens se souviennent de Pétrus Burrelier (père de Johannès et grand-père d'Henri), maréchal-ferrant de son état dans les années 1900. A l'aide d'un crin de cheval arraché à la queue de l'animal, il confectionnait un nœud coulant qui enserrait la dent malade. Il tenait fermement l'autre extrémité du crin et présentait devant le consultant un fer à cheval chauffé à blanc. Le malheureux se reculait brusquement et la dent s'en trouvait arrachée. La cautérisation s'effectuait généralement avec un verre de gnôle.
Dans les années 30, la relève fut effectuée par Francis Mondière (père de Paul) agriculteur au Point du Jour.
Il avait quelque peu modifié la technique puisqu'il utilisait des pinces et un tisonnier. Les pinces servaient à emprisonner la dent et le tisonnier chauffé au rouge produisait un violent mouvement de recul du patient.
La douleur devant être assez forte, une anesthésie locale et préventive était pratiquée sous forme d'un verre de gnôle. Un second verre, après l'extraction, permettait de réduire les risques d'infection et rehaussait le moral du patient.

Si l'on remonte plus loin dans le temps, on constate que les soins dentaires pour le commun des mortels ne se pratiquaient pas dans un local fermé, comme maintenant, mais en plein air. Ce texte de Jean-Claude Tsavdaris (Les saisons paysannes) illustre bien ce phénomène:

"Dans les foires et marchés locaux de la fin du 19 ème siècle, l'arracheur de dents était présent, sur une estrade, accompagné d'un ou plusieurs musiciens.
La technique du ""dentiste" était alors fort simple. Il était monté sur une estrade de fortune, à laquelle on accédait par une échelle et sur laquelle étaient installées des chaises pour les musiciens, puis une autre pour le patient.

L'orchestre, généralement un tambour et une grosse caisse, un cornet à piston et un trombone, jouait de toutes ses forces, d'abord pour attirer le chaland. Lorsqu'un patient se présentait, compère du dentiste ou client sérieux, la tête comme oeuf de pâques, c'est-à-dire entourée d'un mouchoir aux deux cornes pliées sur le haut du crâne, on l'invitait avec forces discours à prendre place sur la chaise qui lui était réservée. Et la musique reprenait de plus belle.
Le « chirurgien » ouvrait alors la bouche du patient, lui introduisait sa pince et, si c'était un compère, en un tourne main extirpait une grosse molaire qu'il brandissait triomphalement pendant que son client se réjouissait de cette formidable opération sans douleur.

Ce dernier, tout fier, acquiesçait, et deux nigauds pour un le remplaçaient sur l'estrade. Et en avant la musique car si c'était un vrai malade, la préparation était la même, mais l'opération était bien sûr plus douloureuse et c'est alors que tout le bruit fait par l'orchestre n'était pas trop fort pour couvrir les cris du malheureux."

DEVINETTE: D'où vient l'expression: mentir comme un arracheur de dents?

Les arracheurs de dents n'avaient pas l'anesthésie à l'époque, mais répondaient tout de même à la question "ça va faire mal ?" un "Non " emprunt d'une grande confiance (et accessoirement d'un sourire sadique).

On l’utilise toujours pour parler d’une personne qui ment sans aucun scrupule.

Voici les 3 outils du défunt arracheur de dents Mondière, surnommé "Figure" et qui officiait dans les années 40-50, au Point du Jour.
(de gauche à droite: du +  gros au + petit) 

La petite pince de droite servait à arracher les dents de lait, la pince du milieu plus grosse, devait extraire les dents à une seule racine.

Quant à l'extracteur, qu'on devait utiliser en tirant et tournant à la fois, il devait être réservé aux dents à racines multiples et aux fameuses "dents de sagesse"......

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