(A
de la Faige et R de la Boutresse) |
La très
vieille paroisse de la Prugne en Auvergne semble avoir eu pour
origine un prieuré, jadis dépendance du couvent de Cusset et dont, au
temps de Nicolaï, il ne restait plus que le souvenir : de ce prieuré,
sans doute, provient la curieuse cloche de 1474, encore possédée par
l’église paroissiale et marquée aux armes des Beaujeu. Cette
possession de la Prugne par les abbesses de Cusset remonte probablement à
l’origine du monastère : dès l’acte de 1320, où une de ces
abbesses, Isabelle de Saint-Germain, conclut avec Guy, comte de Forez,
certains arrangements au sujet des dîmes de Saint-Pierre-le-Chenu
(actuellement Saint-Priest la Prugne), il est spécifié qu’ « elles
soulent avoir les droits seigneuriaux de la Prugne de si grande ancienneté
qu’il n’est mémoire du contraire ». Une partie de
la Prugne, confinant au Forez (la Bonnière, la Bletterie, etc.), forma
cependant, paraît-il, une seigneurie à part, qui n’aurait été réunie
à l’abbaye de Cusset qu’au commencement du XVIIIe siècle, par
l’apport que lui en firent Diane et Thérèse de Linars, toutes
deux religieuses dans ce monastères et sœurs d’une troisième
demoiselle de Linars par le mariage de laquelle quelques droits
seigneuriaux du pays auraient passé aux d’Apchon-Saint-André – Nous
rapportons cette intéressante tradition telle que nous l’avons
recueillie, mais nous n’avons pu l’appuyer d’aucun document, sauf
peut-être d’une pièce que nous avons entre les mains et qui prouve
qu’en 1787, le seigneur de Saint-André d’Apchon (actuellement département
de la Loire) percevait encore des cens sur une terre appelée la Goutte,
sise près de la Bonnière sur le ruisseau de Sappey et appartenant alors
comme aujourd’hui à la famille Goutty. A cela nous
ajouterons qu’une Diane de Linars figure en 1643 comme coadjutrice de
l’abbesse de Cusset et devint plus tard abbesse elle-même, et que, dans
le pré où confluent les ruisseaux de Sappey et de Linars, vers une
petite passerelle, près de la Bonnière, on montre encore, à
l’emplacement présumé du vieux château de Linars, un terrain
certainement remué de main d’homme et où peut bien avoir été, en
effet, une motte féodale.
Parmi
les noms des receveurs de l’abbaye de Cusset, nous relèverons, de 1658
à 1678, celui de Gilbert Ratignier ; en 1680, celui de Gilbert
Burnolles,, notaire royal, seigneur de Gravières, paroisse de la
Chapelle, époux de demoiselle Cathelin des Paputs ; puis de 1697 à
1725, celui de Gilbert Chappuy* et enfin d’un Descombes, époux de
demoiselle de Fougerolles, qui joua lors de la Révolution un rôle assez
peu recommandable. *Le
vieux logis des Chappuy, sis en face de la mairie actuelle, possède
encore une vaste cheminée de bois, où se voient leurs armes, d’azur à
une palme d’or, accompagnée en chef de deux étoiles et en pointe de
deux croissants de même. La maison Descombes allait depuis l’auberge
Charrier jusqu’à la maison des Ojardias. L’existence
du château du Chatelard est autrement certaine que celle de Linars, et
pourtant il n’en subsiste guère de traces encore visibles : tout
au plus quelques murs rasés autour d’une excavation, d’où l’on a
sans doute extyrait des matériaux, et, à cinquante mètres plus bas, les
débris d’une tour ronde reliés au reste par des vestiges de maçonnerie.
Ces ruines insignifiantes occupent, il est vrai, une situation admirable
sur un mamelon qui domine Charrier et d’où l’on commande non
seulement le col de Saint-Priest la Prugne, une des portes du Bourbonnais,
mais encore la vallée où débouche la route du Forez par la Madeleine. Aussi est-ce un
rôle d’interdiction, de fort d’arrêt, pour ainsi dire, qu’assigne
au Chatelard une pièce, dont nous devons à M. l’abbé Bletterie
l’intéressante communication, et qui forme pour nous l’histoire de ce
vieux château. Cette
pièce, datée d’Exmes (probablement Huismes), près de Chinon, et du
mois de mai 1473, est une lettre du roi Louis XI, dans laquelle il est
d’abord exposé que les religieuses de Cusset « avaient
d’ancienneté au lieu de la Prugne une place et maison forte
vulgairement appelée le Chastellard, en laquelle elles et leurs subjects
soulaient en temps de guerre et hostilités, et quand ladite place était
en état, faire retraiet et refuge d’eux et de leurs biens. Mais,
ajoute t-on, au moyen des guerres et divisions et autrement, le
Chastellard est venu en ruyne et désolation, tellement qu’il n’y
apparaît fort les carales (sic) des murs et foussez seulement » Les
religieuses demandent donc à ce qu’il leur soit permis la réédification
d’un château qui est nécessaire « pour la tuytion et garde de
leurs biens et sujets » et que, pour les aider à ces dépenses,
on leur accorde, même avant qu’elles soient faites, le droit de garde,
qu’elles ont de tout temps possédé. Le
Roi accorda aux religieuses tout ce qu’elles demandaient, ayant soin
d’ajouter qu’il les laissait libres de choisir pour reconstruire leur
chastellard tel emplacement qui leur semblera avantageux et convenable ;
mais elles ne paraissent point avoir profité de la permission qu’elles
avaient sollicitée. Sur
la Prugne était encore le château de Fontbelle,
dont on voit des restes
indubitables à la jonction de deux chemins sur le versant ouest du
mamelon coté 936 (au-dessus de la lettre s du mot Bouzarets). En 1467,
nous trouvons bien une transaction entre Jacques de Fontbelle et le
seigneur de Ferrières, mais ce nom de Fontbelle, encore porté par des
cultivateurs des environs, nous semble plutôt appartenir à un chef de
communauté qu’à un possesseur de fief, et, dès ce moment, Fontbelle
devait être une simple dépendance de Ferrières : c’est,
d’ailleurs, ce qu’il resta jusqu’à la Révolution, et, au siècle
dernier, nous voyons de nombreux actes passés entre les communautés
voisines, celle des Roches notamment, et les seigneurs de Ferrières pour
les bois, gruyères et terres vagues de Fontbelle. Au
point de vue des recherches locales, les environs de Fontbelle sont
particulièrement intéressants, et à Fontbelle même, sur la montagne
des Agaux* aux Demandiers, on trouve des traces non douteuses
d’habitations préhistoriques et de fortifications primitives :
cela rentre assurément dans une branche d’études particulière, et
nous nous bornerons à faire observer que l’hypothèse d’un établissement
considérable en ce point est parfaitement acceptable : là fut
longtemps, en effet, la limite entre les trois pays de Forez, d’Auvergne
et de Bourbonnais et les noms typiques de Grand’Borne et de Roc des
Gabelous sont encore portés par deux massifs pierreux au-dessus de la
Prugne *
A remarquer ce nom des Agaux, que nous retrouvons à Beaupuy, au-dessus de
Varennes-sur-Allier, sur un plateau aussi fort anciennement occupé. Et
puisque nous faisons une excursion en dehors du cadre que nous nous sommes
fixé, nous citerons encore la vieille voie qui de Saint-Priest la Prugne
gagne la hauteur des Agaux et de là se continue par les sommets dans la
direction de Cusset sous le nom bizarre de chemin de la Ligue. Au milieu
des Bois Bizin, ce chemin passe à une source, dite Font-Catholique, et de
ces deux noms réunis, on pourrait déduire avec assez de vraisemblance
qu’après la défaite des
huguenots
au bas de Cervières (V. Poncenat), et pendant leur retraite sur le Forez,
ce fut par ce chemin de montagne que l’armée catholique gagna Vichy et
les plaines de Cognat. Il
semble très probable aussi que cette ancienne voie devait se prolonger du
côté de la Loire et passer non loin de l’antique chapelle de la
Madeleine, au gué de la Chaux (la chaussée ?), où l’on trouve
des débris d’armes et de ferraille dans un champ nommé Champ du
Massacre : nous doutons fort, au contraire, de l’existence d’un
château disparu de Chevriers au pont côté 1084. Mais,
pour tout cela, nous renvoyons aux ouvrages de M. le curé Bletterie et
aussi à ceux que M. le docteur Noelas a spécialement consacrés à cette
pittoresque région, et dont le style facile fait pardonner la part
vraiment trop grande faite à la pure imagination. |